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Quels sont les facteurs qui influencent l’industrie touristique au Québec?

Ce texte est extrait d’une étude réalisée dans le cadre du cours Gestion stratégique du programme de MBA de l’Université du Québec en Outaouais. Les auteures sont Nathalie BRUNETTE, Caroline DESROCHERS, Alla KOSTYLOVA et Arelis QUEVEDO.

Dans cette section, nous procédons à un balayage de l’environnement externe de l’industrie touristique, afin d’identifier les opportunités ou menaces dont elle devrait tenir compte dans l’élaboration de ses stratégies. Dressons d’abord un bref portrait de l’état de l’industrie touristique au Québec et au Canada, avant de soulever les tendances générales ainsi que les rapports de force propres à ce secteur et qui pourraient l’affecter à moyen ou long terme.

Statistiques Canada révélait en février 2017 que l’industrie avait accueilli près de 20 millions de visiteurs étrangers au cours de l’année 2016, un sommet depuis 14 ans. Considérant que l’Association de l’Industrie touristique du Canada s’était fixé en 2015 un objectif échelonné sur cinq ans pour atteindre ces 20 millions de visiteurs (d’ici 2020) [AITC, 2017], ce résultat a donc été atteint trois ans plus tôt que prévu! Or, l’année 2017 s’annonce tout aussi prometteuse, le Canada ayant été nommé pays numéro un à visiter au monde par le Lonely Planet [Lonely Planet, 2017], le New York Times et le Condé Nast Traveler. Le Canada jouit d’une excellente réputation à l’échelle internationale, figurant au sommet du palmarès parmi les trois meilleurs pays où vivre, étudier et voyager, selon le Country Reptrack [Country Reptrack, 2016]. Pour 2017, l’Organisation mondiale du tourisme prévoit une croissance mondiale du tourisme de 3 % à 4 %.

Une analyse des facteurs PESTEL (politiques, économiques, sociaux, technologiques, écologiques et légaux) permet de cerner les opportunités et menaces qui pourraient influencer la performance de l’industrie touristique à court, moyen et long terme. Aux fins de cet exercice, le périmètre de balayage de ce macro-environnement s’étendra brièvement au marché international, mais s’attardera surtout aux marchés du Québec et du Canada.

1-   Facteurs politiques 

Selon plusieurs analystes, la hausse du protectionnisme aux États-Unis pourrait avoir une incidence directe sur le nombre de touristes étrangers en visite au Canada à court terme. Dans un article paru dans le magazine Forbes le 30 mars 2017 [TALTY A., 2017], on apprenait que les Mexicains sont de plus en plus nombreux à bouder les États-Unis au profit du Canada. En 2016, le Canada a effectivement connu une hausse de 23 % du nombre de touristes en provenance du Mexique [OTI D., 2017]. La politique d’ouverture du gouvernement canadien en serait la cause, en particulier l’élimination des visas pour la clientèle mexicaine. Le nombre de touristes chinois a également connu une hausse importante de 22 % en 2016. Il faut noter que la Chine a accordé le statut de destination approuvée au Canada en 2010 et depuis, le nombre de visiteurs chinois au pays est en hausse constante.

Par ailleurs, les nouvelles politiques d’entrées aux États-Unis et le climat d’incertitude causé par les positions protectionnistes du nouveau président américain pourraient avoir un impact non négligeable sur le choix des destinations vacances des Canadiens à court et moyen terme. Par crainte de se voir refoulés ou questionnés à la frontière en raison des nouvelles politiques de fermeture sélective, de nombreux Canadiens pourraient décider de se diriger vers de nouvelles destinations, à l’intérieur même du pays.

Aucun pays n’est à l’abri d’un acte terroriste qui viendrait affecter son attrait pour les touristes internationaux. C’est un risque qui concerne le Canada et l’Outaouais étant voisine de la Capitale nationale, un incident terroriste pourrait avoir un impact négatif sur le tourisme dans la région.

Au niveau des facteurs politiques provinciaux, notons que le ministère du Tourisme du Québec (MTQ) vient tout juste de lancer un nouveau plan d’investissement en tourisme 2017-2020, visant à injecter 70 M$ dans des projets liés à cinq secteurs priorisés comme avantages concurrentiels pour le tourisme au Québec, soit : le tourisme hivernal, évènementiel, nature et aventure, nordique et maritime. Ce plan aura une incidence sur le développement de l’offre touristique locale et sur le type de projet financé.

2-   Facteurs économiques

En 2013, l’industrie touristique canadienne a généré des retombées de l’ordre de 90 milliards $ [TIAC, 2016], soit plus que les secteurs de l’agriculture, des forêts et des pêches réunis. Au Québec, le tourisme est le 3e produit d’exportation après l’aluminium et l’aéronautique, et représente près de 13 milliards de dollars en recettes touristiques. Ce qui représente 10,8% de toutes les entreprises et 8,7% de tous les emplois au Québec.

Fait à noter, malgré que le tourisme intérieur au Québec ait connu une hausse importante depuis le début des années 2000 (proportion passée de 50 % à 70 %), les Québécois dépensent beaucoup plus d’argent à l’étranger (7.2 G$) que l’inverse (2.7 G$), ce qui entraîne un déficit commercial de 4.5 G$ pour le secteur. Le moyen privilégié par le MTQ pour contrer ce déficit est d’attirer davantage de touristes étrangers. Ce mandat a d’ailleurs été confié à l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, créée en 2015.

Si la croissance du côté des marchés chinois et mexicains est significative , les Américains demeurent la plus importante source de visiteurs étrangers pour le Canada. La faiblesse de notre devise est un facteur déterminant dans cette attraction. L’état de l’économie mondiale ou nationale, de même que la valeur du coût de l’essence peuvent aussi influer sur le tourisme. Toutefois en le moment, le prix de l’essence stable et la faiblesse du dollar canadien font en sorte que les conditions économiques sont favorables au tourisme canadien.

3-   Facteurs sociaux

Parmi les facteurs sociaux pouvant influencer le tourisme, notons le vieillissement de la population et la pyramide des âges particulière au Québec [Institut de la statistique du Québec, 2017]. Selon Tourisme Québec, qui a publié en 2008 une étude sur le comportement de voyage des Québécois par segment démographique [Réseau veille en Tourisme, 2008], malgré le vieillissement de la population, le tourisme pourrait croître encore pendant une décennie.

Aujourd’hui âgés entre 52 et 72 ans, les Baby-boomers, qui forment près du tiers de la population canadienne sont en meilleure condition physique et financière que la génération des Seniors qui les a précédés. Le Conference Board du Canada prévoit qu’ils représenteront le plus important marché de voyageurs au cours des 10 prochaines années avec des dépenses annuelles de 35 milliards de dollars. Ils sont généralement friands du tourisme culturel et patrimonial et apprécient les activités d’apprentissage et d’interprétation (ce qui constitue une opportunité intéressante pour le tourisme dans la région de la Capitale nationale, berceau des plus importants musées au pays). Ils ne forment pas un groupe homogène toutefois, et certains spécialistes du voyage proposent de les segmenter selon leurs préférences de voyage ou leur condition socioéconomique. Bien que plusieurs soient encore très actifs professionnellement, leur départ massif à la retraite au cours des cinq à dix prochaines années représente une manne importante pour l’industrie touristique. Une tendance à surveiller est le tourisme intergénérationnel, alors que les grands-parents (dits papy-boomers) bien nantis sont de plus en plus nombreux à voyager en compagnie de leurs petits-enfants.

Quant à la seconde génération dominante dans la pyramide des âges, les 25-35 ans (Génération Y ou Milléniaux), ils représentent une clientèle fortement sollicitée de tous les marchés. Ils seraient plus portés vers le tourisme d’expérience et d’aventure, privilégiant les interactions humaines et l’agrément, ainsi que vers les plateformes d’économie de partage et de voyages collaboratifs.

4-   Facteurs technologiques

Internet et la mobilité ont complètement bouleversé le paysage du tourisme ces dernières décennies, et à la vitesse dont émergent les nouveaux produits, l’industrie doit s’adapter rapidement. L’arrivée sur le marché des Milléniaux et le développement d’outils de réservation en ligne (Kayak, Expedia, Hotwire) et d’économie collaborative tel AirBNB en sont un exemple. Les start-ups se créent quotidiennement dans l’univers touristique et les grands de l’industrie doivent se reposer de plus en plus sur les petites entreprises pour offrir le service personnalisé demandé par les clients. Selon le spécialiste des nouvelles technologies Joël de Rosnay [TV5 Monde, Février 2017], les réseaux sociaux vont jouer un rôle de plus en plus important de même que le développement d’outils en lien avec la réalité augmentée. Les professionnels du tourisme doivent comprendre l’importance de ces nouveaux outils pour créer de la valeur ajoutée dans leurs relations avec les voyageurs. En outre, le Web permet un contact direct avec le client tout en récoltant des statistiques en temps réel.

Applications mobiles: Plusieurs entreprises et associations touristiques se sont lancées dans les dernières années dans le développement d’applications mobiles dispendieuses. Or, offrir une application ne veut pas dire que les gens vont la télécharger, et la télécharger ne signifie pas qu’ils vont l’utiliser [GIRAUD S., 2016]. Pourquoi? Parce que l’application doit d’abord constituer une valeur ajoutée pour le touriste. Et pour en tirer un bénéfice en tant qu’association ou entreprise touristique, il faut que l’application soit utilisée à répétition afin d’en tirer des données.

Le Big data : L’utilisation des données dans l’établissement de diagnostics et de tendances [LENOIR A., 2014] a fait ses preuves. L’analyse des données numériques permet de mieux connaitre les touristes, leur profil, leurs intérêts et leur comportement, afin de leur offrir un produit qui corresponde mieux à leurs attentes. C’est un outil puissant dans la création de valeur pour l’industrie touristique, toutefois c’est un domaine d’expertise complexe, qui nécessite une planification détaillée et des objectifs définis, au risque de se noyer dans une mer de données collectées.

5-   Facteurs écologiques

Un élément à considérer dans les facteurs écologiques influençant l’industrie touristique est l’émergence, dans les années 2000, de produits d’écotourisme et d’aventure, qui visent à charmer un certain profil de consommateurs rattachés aux expériences de développement durable, social et humanitaire. Malgré sa jeunesse, l’écotourisme a su conquérir des marchés importants aux quatre coins du monde. Les Babyboomers et les Milléniaux seraient particulièrement friands de ce type de produits.

Toutefois, il devient difficile pour l’industrie de contrôler la qualité des produits dits d’écotourisme. Des normes existent, mais varient d’une province ou d’un pays à l’autre. C’est un monde un peu flou dans lequel le réel produit écotouristique respectant sa mission et ses engagements peut se trouver dilué dans une vaste offre de produits développés dans une perspective strictement marketing. [TARDIF J. 2003]

6-   Facteurs légaux

Nous avons vu dans les facteurs politiques qu’un assouplissement des lois régissant l’obtention des visas peut avoir un impact direct sur l’industrie touristique. Un autre facteur légal actuel pour l’industrie est la règlementation entourant les produits d’économie de partage. Au même titre qu’UBER a bousculé l’industrie du taxi, les entreprises telles AirBNB et CouchSurfing s’imposent désormais comme compétiteurs et substituts non négligeables aux hébergements traditionnels. Or, les lois peinent à suivre la mise en opération de tels services. Bien que le Québec fut la première province canadienne à se doter d’une loi pour encadrer AirBNB, notamment au chapitre des taxes d’hébergement et des responsabilités de part et d’autre, les ressources manquent pour appliquer la loi. Pendant ce temps, les taxes d’hébergement ne sont pas perçues et représentent un manque à gagner pour les associations touristiques régionales.

L’industrie du tourisme vogue dans un système mouvant et complexe, et cet extrait n’en dresse qu’un bref portrait. Il sera toutefois intéressant de voir comment l’industrie touristique du Québec saura tenir compte, au cours des prochaines années, des opportunités et menaces que représente son environnement externe, et notamment des changements technologiques et du vieillissement de la population.

Sources:

GIRAUD, Stéphanie (7 janvier 2016), Étude : les applications mobiles dans le tourisme, Le Quotidien du eTourisme. Consulté en avril 2017 URL:http://www.etourisme.info/compte-rendu-etude-les-applications-mobiles-dans-le-tourisme/

Institut de la statistique du Québec, Pyramide des âges animée 1971-2061, consulté en avril 2017 URL:http://www.stat.gouv.qc.ca/jeunesse/statistiques/population/pyramide_ages.htm

Le Canada et l’industrie touristique, Association de l’industrie touristique du Canada (AITC)  Consulté en avril 2017 URL:  http://tiac.travel/advocacy_situation_fr.htm

LENOIR, Aude (3 juillet 2014), Application concrète du Big Data en tourisme, Réseau Veille Tourisme, consulté en avril 2017 URL:http://veilletourisme.ca/2014/07/03/applications-concretes-du-big-data-en-tourisme/

Le secteur touristique canadien frôle la barre des 20 millions de visiteurs étrangers. Association de l’industrie touristique du Canada (AITC), consulté en avril 2017 URL:http://tiac.travel/cgi/page.cgi/_zine_fr.html/NouvellesRecentes/Le_secteur_touristique_canadien_fr_le_la_barre_des_20_millions_de_visiteurs_trangers

Les 10 pays à visiter en 2017, Lonely Planet, consulté en avril 2017 URL:  https://www.lonelyplanet.fr/article/les-10-pays-visiter-en-2017

Most Reputable Countries 2016, Reputation Institute, consultéen avril 2017 URL:  https://www.reputationinstitute.com/research/Country-RepTrak

OTI, Didier (7 avril 2017) – Des touristes mexicains délaissent les Etats-Unis au profit du Canada, Radio-Canada International, consulté en avril 2017 URL:http://www.rcinet.ca/fr/2017/04/07/des-touristes-mexicains-delaisseraient-les-etats-unis-au-profit-du-canada/

PORTER, Michael (1980) – Choix stratégiques et concurrence, Economica, p. 37-49.

TALTY, Alexandra (30 mars 2017) – U.S. To Lose $1.6B As Mexican Vacationers Choose Canada, Forbes, consulté en avril 2017

URL:https://www.forbes.com/sites/alexandratalty/2017/03/30/mexicans-choosing-canada-over-the-us-for-vacations/#70f1122b4d0d

TARDIF, Jonathan (2003). « Écotourisme et développement durable », VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Volume 4 Numéro 1 | mai 2003, mis en ligne le 01 mai 2003, consulté en avril 2017 URL:  https://vertigo.revues.org/4575

TV5Monde (9 février 2017) Joël de Tosnay : tourisme et nouvelles technologies, quel avenir commun? Consulté en avril 2017 URL:http://voyage.tv5monde.com/fr/joel-de-rosnay-tourisme-et-nouvelles-technologies-quel-avenir-commun

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